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LOL - Les Olonnois Lisent
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22 janvier 2016

Un paradis trompeur, Henning Mankel

Un paradis trompeur, Henning Mankel, Seuil/Points, 397 pages

Un paradis trompeurÀ 17 ans, en 1904, Hanna Renstöm est contrainte par sa mère de quitter sa famille pour fuir la famine qui menace la Suède. Le riche commerçant et armateur Jonathan Forsman la recueille quelque temps avant de l'engager comme cuisinière sur l'un de ses bateaux en partance pour l'Australie. À l'embarquement, Hanna fait connaissance du second Lars Lundmark. Ils s'éprennent l'un de l'autre et s'épousent pendant d'une escale à Alger. Descendu à terre lors d'un ravitaillement à Suez, Lundmark contacte une fièvre mortelle.

À Lourenço Marques (maintenant Moputo), port de l'Afrique orientale portugaise (actuel Mozambique), Hanna quitte subrepticementle navire et s'installe dans ce qu'elle prend pour un hôtel. Après une fausse couche à laquelle elle faillit succomber, elle découvre qu'elle se trouve dans un bordel. Les prostituées sont Noires, les clients Blancs, tout comme le propriétaire Senhor Attimilio Vaz.

Commence alors pour Hanna une longue et parfois douloureuse confrontation avec le racisme et l'exploitation des Noirs par les Blancs. Tous les Noirs mentent, disent les Blancs. Tous les Blancs sont des menteurs, disent les Noirs. Les cultures sont trop divergentes et une compréhension impossible. Le traitementbrutal des Noirs par les Blancs choque Hanna. Cependant, elle se surprend quelquefois à avoir, elle aussi, des réactions de Blanches.

Après avoir épousé Sehnor Vaz et être devenu veuve une seconde fois quelques mois plus tard, Hanna, maintenant très riche, tente de comprendre les Noirs, au moins ceux à son service, et d'améliorer leur sort. L'incompréhension des siens, les Blancs, est totale.

Lors d'une conversation avec la prostituée Félicia, qui travaille pour elle, Hanna apprend que celle-ci est mariée et a deux enfants :

Mais qui s'occupe de tes enfants quand tu es ici ?

Leur mère.

Hanna secoua la tête. Elle ne comprenait pas.

Leur mère ?

Ma sœur. Elle est aussi leur mère. Comme je suis la mère de ses enfants. Ou des enfants de mes autres sœurs.[p. 158]

La notion de famille a un tout autre sens pour les Européens.

Que dit ton mari de te voir travailler ici ?

Rien, répondit simplement Félicia. Il sait que je lui suis fidèle.

Fidèle ? Ici ?

Mais je ne vais qu'avec des Blancs. Contre de l'argent. Il s'en fiche.[p. 158]

Une autre entité est bouleversée. Un Blanc c'est un maître, un employeur, un persécuteur, mais n'est pas considéré comme un homme.

Dans ce roman, Carlos, un chimpanzé joue un rôle important. Hanna se demande s'il est encore un animal avec des traits humains ou un humain ayant gardé le physique animal. Si elle sursaute quand le primate lui touche une fois le sein, sa relation avec lui est parfois ambiguë :

Hanna finit par comprendre qu'il se sentait seul, comme elle. Les chimpanzés étaient des animaux sociaux, ils se faisaient épouiller par une autre membre du groupe. Cette pensée l'attrista. Un instant elle reconnut sa propre solitude dans celle du singe, alla s'asseoir tout contre lui et commença à inspecter sa peau à la recherche de parasites. Elle vit combien il aimait ça. Quand Carlos voulut lui rendre la pareille en inspectant ses cheveux, elle le laissa faire.[p. 177]

Sans aller aussi loin, certaines scènes rappelleront le film « Max, mon amour » de Nagisa Oshima (1985).

Dans ses tentatives pour comprendre les Noirs, Hanna ne se heurte pas seulement l'animosité de ses congénères qui la voient comme une traitre à la race blanche, mais aussi inversement à celle des Noirs.Trop habitué à être les perdants face aux Blancs, elle n'obtient même pas leur soutien lorsqu'elle fait tout pour sauver la vie de l'une des leurs.

Le texte de Henning Mankel est cohérent et reste, malgré près de 400 pages, très intense. Le style est sobre, sans renoncer à quelques effets (travail du traducteur ?) :

Le pasteur de Lungdalen avait une petite voix perchée. Quand il entamait un psaume, on aurait dit qu'on l'avait pincé. Mais cet homme chantait à faire taire le froid qui craquait dans les murs.[p. 42]

Un paradis trompeur est un excellent plaidoyer contre le racisme et l'exploitation des Noirs par les Blancs, avec parfois, une certaine honte à appartenir à cette catégorie.

olonnois85

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