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LOL - Les Olonnois Lisent
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17 avril 2016

Je, François Villon, Jean Teulé

Je, François Villon, Jean Teulé, Julliard/Pocket, 434 pages

 

Je,+François+VillonMaître de l’exagération et de la provocation, Jean Teulé nous livre « sa » version de la vie de François Villon.

Du poète maudit, on ne sait en fait que peu de choses. Probablement né l’année de l’exécution de Jeanne d’Arc, la date de son décès est inconnue. Peu d’éléments sont vérifiables historiquement, sa célébrité et sa légende sont pourtant grandes et il y a lui-même contribué en bonne partie à travers son œuvre.

Profitant des lacunes historiographiques, Jean Teulé prend peu de risque en laissant cours à son imagination de romancier.

Il place ainsi la naissance de François Moncorbier (?) le jour de la mort de Jeanne d’Arc. Comment prouver que c’est faux ? Son père, puis sa mère finirent sur l’échafau(en fait né de père inconnu et d’une mère simple). Recueilli par Guillaume Villon, chapelain de l’église de Saint-Benoît-le-Bétourné, il en prendra le nom. Élève doué, mais peu studieux, comme il se décrira lui-même,François Villon mène une vie de débauche dans le Quartier latin.

Le pays sort juste de la guerre de Cent Ans. Les mœurs sont dures, brutales et la justice un leurre. La loi du plus fort règne au sommet de l’État comme dans le bas peuple. Cette ambiance convient très bien à Jean Teulé et il nous la fait grandement revivre.

François Villon sembla fasciné par ce qu’on appellerait aujourd’hui « la racaille ». Sa plus grande ambition (selon Teulé) est de devenir membre des Coquillards, une bande d’anciens mercenaires sans emploi depuis la fin des conflits et qui écumèrent le pays, volant, violant, tuant ceux qui avaient la malchance de se trouver sur leur chemin. Pour en faire partie, il fallait commettre un vol, un meurtre et faire un cadeau à la bande (le plus souvent la femme de l’impétrant). Que François Villon ait été un Coquillard n’est pas prouvé, mais qu’il en ai fréquenté quelques-uns est attesté.On sait aussi qu'il a été mêlé à des vols et à des affaires de mort violente. Jean Teulé franchit le pas prend donc la liberté de faire de François Villon un Coquillard. Comme « cadeau » d’intronisation dans la bande des malfaiteurs, il offrira, toujours selon Jean Teulé, celle dont il aurait été épris, Isabelle de Bruyère (dans l'un de ses poèmes, il évoque une Isabelle). Après un viol de groupe, une « tournante » dirait-on aujourd’hui, et marquée au fer rouge comme prostituée, selon l’usage à l’époque de Villon, Isabelle n’aura d’autre choix que de devenir une « recluse », comme Carole Martinez en décrit une dans Du domaine des Murmures. Jean Teulé n’invente rien.

Pour arrondir son roman, Jean Teulé fait d’Isabelle de Bruyère la nièce de Thibault d’Aussigny, évêque de Meung-sur-Loir, qui s’acharna sur François Villon et lui fit subir toute une série de supplices, comme les bourreaux savaient si bien faire.

Sur ce sujet également, Jean Teulé n’invente rien non plus. Il prend juste la liberté de laisser son héros « vivre » dans son temps avec toute la violence et les cruautés courantes. Qui a eu l’occasion de visiter un musée de la torture du Moyen-Âge aura une idée de l’inventivité des hommes dans ce domaine. L’actualité nous montre quotidiennement que les choses n’ont pas vraiment changé. L’homme reste le pire ennemi de l’homme, le pire ennemi de la Création.

Avec Jean Teulé, on retrouve des expressions et des métiers disparus. Qui sait qu'une fanière était une marchande de foin, une avenière vendait de l'avoine et que la flourière s'occupait de fleurs ? À moins qu'il n'ait inventé ces expressions. Qu'elles soient le fruit de son imagination ou non, il nous plonge de cette manière dans l'ambiance du Moyen-Âge, du temps où les femmes portaient un hénin, celles des dames du temps jadis.

Sa seule exagération est le récit d’anthropophagie. Qu'un boucher du XVe en fasse une spécialité paraît aberrant. Pourtant, si les humains ont toujours répugné à dévorer d’autres humains, cela n’empêche pas l’existence (même récente) de cannibalisme. Rappelons que ce sujet a déjà inspiré Jean Teulé (Mangez-le, si vous voulez) d'après un fait historique du XIXe.

Un autre grand mérite de Jean Teulé est de nous faire découvrir ou redécouvrir de nombreux textes de François Villon et l'énorme envie d'en savoir plus sur ce baladin et son temps.

 olonnois85

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