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LOL - Les Olonnois Lisent
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12 octobre 2019

Soif, Amélie Nothomb

Soif, Amélie Nothomb, Albin Michel, 152 pages

 

Soif

L’annuel roman d’Amélie Nothomb sort cette fois des sentiers battus. Son style habituel reste simple, limpide et érudit, ce qui permet une lecture d’autant plus agréable que l’auteure n’encombre pas son texte de répétition. Le roman reste condensé, loin de la tendance à confondre qualité et quantité, une gifle pour ces auteurs incapable de se limiter en volume, peinant à trouver une fin.

 

L’originalité de ce roman est en premier d’avoir osé écrire la crucifixion vue par le Christ lui-même.

Si beaucoup de théories sur Jésus et ses proches sont connues, Amélie Nothomb les reprend et les complète avec conviction. Ainsi, s’il ne fait aucun doute que Judas ait trahi, Jésus le savait dès qu’il le rencontra. Tout dans son caractère le portait à cet acte. Judas est un rebelle, un contradicteur par principe, un homme « mal dans sa peau ». Il ne s’aime pas, comment pourrait-il aimer les autres. C’est un misanthrope comme l’Alceste de Molière. Pour Jésus, envoyé sur terre pour propager l’amour du prochain, Judas est un défi. Il ne voit pas en lui celui qui le trahira, mais l’homme torturé. Judas n’accepte pas le mensonge, c’est un obsédé de la vérité :

  • Ne pas divulguer une information vraie, ce n’est pas mentir, lui dis-je.

  • Dès qu’on ne dit pas toute la vérité, on ment, répondit-il.

Maria-Magdaléna est cet autre proche de Jésus que l’auteure dépeint sans ambiguïté : elle est la maîtresse de Jésus. Ce qui les unit, le père de Jésus ne peut le comprendre. Il faut avoir un corps pour cela et Dieu n’en a pas, d’où ses erreurs. Ce n’est d’ailleurs pas la seule que Jésus reproche à son père :

Père, tu as juste été dépassé par ton invention. Tu pourrais être fier de ce constat, qui prouve ton génie créateur. Au lieu de cela, sous couleur de donner une leçon d’amour édifiante, tu mets en scène la punition la plus hideuse et la plus lourde de conséquences qui se puisse imaginer.

  • Cela commençait bien, pourtant. Engendrer un fils solidement incarné, c’était une bonne histoire, tu aurais pu y apprendre beaucoup, si seulement tu avais eu à cœur de comprendre ce qui t’échappait. Tu es Dieu : quel sens cela peut-il avoir pour toi, cet orgueil ? S’agit-il même de cela ? L’orgueil n’est pas mauvais. Non, j’y vois un trait ridicule : c’est de la susceptibilité.

Le reproche de Jésus à son père est profond et violent. Le Dieu créateur, tout puissant est doté de bassesses humaines et se ridiculise.

D’aucuns diront que si l’on baptise le bien du nom de Dieu, il est fatal que l’on baptise aussi le mal. Où allez-vous chercher que Dieu est le bien ? Est-ce que j’ai l’air de l’être ? Est-ce que mon père, qui a imaginé ce que j’ai accepté, est crédible dans ce rôle ? Il ne le revendique pas, d’ailleurs. Il se veut amour. L’amour n’est pas le bien. Il y a une intersection entre les deux, et encore, pas toujours.

 

Fort intéressants sont ces passages où les « miraculés » se retournent contre Jésus. Nous sommes en plein dans l’air du temps, cette époque où pour un oui ou pour un non, le bien est dénigré, tout voué aux gémonies.Un coup de balaie sur les « gilets jaunes », « #metoo » et autres râleurs impénitents des soi-disant réseaux sociaux, les éternels insatisfaits, sans oublier les populistes frustrés. Et selon Amélie Nothomb, Jésus ne leur en veut même pas.

 

Les passages justifiant le titre du roman font eux aussi preuve d’une profonde réflexion :

Quand on cesse d’avoir faim, cela s’appelle satiété. Quand on cesse d’être fatigué, cela s’appelle repos. Quand on cesse de souffrir, cela s’appelle réconfort. Cesser d’avoir soif ne s’appelle pas.

Soif, n’est pas qu’un simple roman, c’est aussi une œuvre teintée de philosophie et de théologie, mais un roman avant tout. Ce serait cependant une grave erreur d'y voir une œuvre dogmatique. La multitude des facettes est une invitation à une relecture.

Une dernière remarque : Quelle aurait été la réaction du monde musulman si Amélie Nothomb n’avait pas écrit Soif en prenant Jésus comme protagoniste, mais Mahomet ?

 

Olonnois85

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