La clé USB, Jean-Philippe Toussaint, Minuit

La clé USB, Jean-Philippe Toussaint, Minuit, 191 pages

Jean Detrez est un expert de la Commission Européenne sur la « prospective stratégique », c’est-à-dire des questions sur l’avenir, ce qui l’amène à s’informer sur les blockchains (technologie de stockage et de transmission d’informations sécurisée sans contrôle par un organe officiel), le bitcoin (cryptomonnaie) et le minage (miner une cryptomonnaie consiste à fournir un service au réseau de ladite monnaie en échange d'une récompense pécuniaire).

En raison de ses connaissances et de sa position au sein de la Commission Européenne, le spécialiste est contacté par des lobbyistes. Le jour où il trouve une clé USB que l’un de ceux-ci a perdue, Jean Detrez pense détenir un début de preuve de fraudes dans les dossiers de demande d’aide financière à l’EU. Sans en informer son administration, dans le but d’obtenir une preuve définitive, il accepte une invitation de visite d’une entreprise de minage en Chine tout en prenant le maximum de précautions pour ne pas se voir un jour reprocher une prise d’intérêt et défaut d’intégrité. La suite aurait peu d’intérêt si tout se déroulait comme il l’avait prévu.

Jean-Philippe Toussaint est très convainquant lorsqu’il décrit les agissements des lobbyistes. Le lecteur a vite l’impression de lire le récit réel d’un membre de la Commission. Cependant, quelques erreurs fondamentales lui montrent qu’il s’agit bien d’une narration fictive : s’il n’est pas informaticien de haut niveau, un individu, doté de simples connaissances basiques, a en effet peu de chance de découvrir dans le code source d’un logiciel une « porte dérobée » (backdoor). Dans la même veine, la façon dont le héros de Jean-Philippe Toussaint se fait dérober son ordinateur portable se trouve en dehors du domaine du plausible, un peu comme si un auteur classique introduisait des gags dans une tragédie où elles n’auraient rien à faire.

De roman d’espionnage, le texte s’éloigne à un moment de ce genre pour devenir une introspection qui, bien qu’elle ne manque certes pas d’intérêt, délaisse totalement le début de l’histoire. L’escapade catastrophique en Chine du protagoniste passe à la trappe, comme si dans un policier l’auteur omettait de dévoiler le meurtrier après s’être lancé dans des considérations éthiques. Il s’en faut de peu que La clé USB soit un très bon roman.

olonnois85