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LOL - Les Olonnois Lisent
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31 décembre 2019

Le bal des folles, Victoria Mas

Le bal des folles, Victoria Mas, Albin Michel, 251 pages

 

 

Le bal des follesSous Louis XIV est créé un « hôpital général pour le renfermement des pauvres de Paris ». Y sont internés les mendiants, les pauvres, et tous ceux qui pourraient perturber l'ordre public. Trois maisons y sont attachées : la Pitié pour les enfants, Bicêtre pour les hommes et la Salpêtrière pour les femmes. Cette dernière doit son nom à l'origine des bâtiments qu'elle occupe, des ateliers de fabrication et des entrepôts du salpêtre utilisé comme poudre à canon.

La Salpêtrière sera deux siècles durant à la fois crèche, asile, hospice, maison de redressement et prison. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle, que l’hospice devient un établissement de soins réservé aux malades mentales. Peu à peu, les aliénées sont libérées de leurs chaînes, mais l’habitude d’y enfermer toutes celles dont les hommes veulent se débarrasser en les déclarant folles perdure. Si des soins sont donnés, ces aliénées servent aussi de cobayes pour les scientifiques.

 

Nous sommes en 1885, à l’approche de la Mi-Carême. Bientôt se tiendra le bal annule de la Salpêtrière qu’à instauré le très célèbre neurologiste Dr Jean-Martin Charcot. Pour montrer les avancées de la science au grand public, il organise tous les vendredis des séances publiques avec les aliénées et donc aussi ce fameux bal où se pressent les bourgeois de la capitale avec le secret espoir d’assister à une crise d’une hystérique.

Victoria Mas s’intéresse plus particulièrement au destin de quatre femmes : Thérèse, une ancienne prostituée internée pour avoir poussé son souteneur dans la Seine, Louise qui eu le tord d’être violée par son oncle, l’infirmière Geneviève dévouée corps et âmes à l’hôpital depuis vingt ans et grande admiratrice de Charcot au sommet de sa gloire, enfin Eugénie Cléry que son père fait internélorsqu’il apprend qu’elle entendrait des défunts lui parler.

À travers ses personnages, Victoria Mas se fait défenseure de la cause de ces femmes totalement sous le joug des hommes, de tous les hommes, sans exclure les médecins :

« La maladie déshumanise ; elle fait de ces femmes des marionnettes à la merci de symptômes grotesques, des poupées molles entre les mains de médecins qui les manipulent et les examinent sous tous les plis de leur peau, des bêtes curieuses qui ne suscitent qu’un intérêt clinique. »

Cette oppression est dans le quotidien :

« Son corset la gênait horriblement. Aurait-elle su qu’elle allait parcourir une aussi longue distance, elle l’aurait laissé dans l’armoire. Cet accessoire a clairement pour seul but d’immobiliser les femmes dans une posture prétendument désirable – non de leur permettre d’être libres de leurs mouvements ! Comme si les entraves intellectuelles n’étaient pas déjà suffisantes, il fallait les limiter physiquement. »

Thérèse, dans son langage cru, le confirme :

« Tant qu’les hommes auront une queue, tout l’mal sur cette terre continuera d’exister. »

Par expérience elle sait que :

« la folie des hommes n’est pas comparable à celle des femmes : les hommes l’exercent sur les autres ; les femmes, sur elles-mêmes. »

Eugénie apprendra à ses dépens qu’« Un médecin pense toujours savoir mieux que son patient, et un homme pense toujours mieux qu’une femme ».

La Salpêtrière était tenue à l’origine par des religieux. Encore du temps de Charcot, l’Église exerçait une pression sur la direction de l’établissement et le personnel féminin était encore appelé « sœur ». L’auteure fait de Geneviève une athée convaincue qui a la religion en horreur et qui ne croit qu’en la science :

« on écoutait cet homme qui, parce qu’il arborait une toque et se tenait à l’autel, avait toute autorité sur les gens de la ville ; on pleurait un crucifié et on priait son père, identité abstraite qui jugeait les hommes sur terre. Le concept était grotesque. »

Il finira pourtant aussi par douter :

« T’ai-je dit combien je me sentais sereine, depuis que je doute ? Oui, il ne faut pas avoir de convictions : il faut pouvoir douter, de toute, des choses, de soi-même. »

Elle a ainsi la vraie position d’une scientifique ou d’une philosophe. Sans douter, sans remettre en question et se remettre en question, il n’est pas d’avancé. Une maladie bien grave qui parcourt depuis quelque temps notre pays.

Victoria Mas base son roman sur une possible réalité historique. Aussi plausible que cela soit, il n’est cependant pas prouvé que les aliénés de la Salpêtrière aient encore traité été à la fin du XIXe comme elle le décrit. Il est à craindre par contre que la grande majorité des femmes, dépendantes des hommes, n’aient eu qu’un rôle de soumises. Leur libération n’est toujours pas accomplie. Avec l’Islam, d’inquiétants signes montrent même un recul, une nouvelle dépendance d’une moitié de l’humanité à l’autre. Le voile remplaçant le corset.

Remarquable roman, le seul reproche envisageable serait une écriture parfois très « scolaire », par exemple « Aux Halles, décrites par Émile Zola comme le ventre de Paris... ». Le lecteur a ici ou là la sensation de lire un excellent devoir d’élève. Heureusement, Victoria Mas se laisse la plupart du temps emporter par ses personnages et donne libre cours à un style plus personnel et à ses émotions.

olonnois85

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