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29 novembre 2016

La Cheffe, roman d’une cuisinière, Marie N’Diaye

La Cheffe, roman d’une cuisinière, Marie N’Diaye, Gallimard, 276pages

 

La CheffeUn cuisinier retraité est interviewé sur son ancienne patronne qu’il continue d’appeler la Cheffe et dont il fut amoureux, bien qu’elle ait été deux fois plus âgée que lui et eu, par ailleurs, une fille du même âge que lui, un amour qui ne pouvait aboutir parce que la Cheffe, personnage très réservé et extrêmement complexe, n’avait qu’une obsession, la cuisine, et une passion, sa fille, ce qui ne laissait aucune place à d’autres sentiments, bien qu’elle éprouvât de la sympathie pour le narrateur, ce narrateur, pas seulement amoureux, mais surtout admirateur inconditionnel de la Cheffe, qui de son côté souffrait sûrement de ne pas recevoir de sa fille tout l’amour qu’elle éprouvait pour elle, tandis que lui n’était parvenu qu’au rôle de confident.

Marie N’Diaye construit son texte à trois personnages, centré sur la Cheffe et « la fille », qui seront nomméeexclusivement ainsi par le narrateur, un narrateur qui, en raison de ses propres sentiments, est peu objectif : « Je voudrais tracer une vie de la Cheffe comme on écrit une Vie de Saint, mais ce n’est pas possible et la Cheffe elle-même l’aurait trouvé ridicule. »

En début du roman, le narrateur raconte l’ascension de la Cheffe, de simple jeune aide ménagère sortant d’un milieu très modeste au statut de cuisinière réputée, bien que lui-même ne tienne ces informations que par ouï-dire et par les confidences que la Cheffe elle-même lui fera plus tard, lorsqu’il sera entré à son service et deviendra son confident à défaut d’être son amant, ce qu’il aurait de loin préféré, narration donc forcément fortement influencée par les sentiments qu’il éprouve envers elle, mais aussi la haine qu’il a pour « la fille », parce qu’elle fut un obstacle dans la vie de celle qu’il admirait et aimait, peut-être aussi jaloux de « la fille » qui détestait sa mère et la cuisine de sa mère, sûrement en raison de ce que cette mère fut incapable d’éprouver de sentiment maternel « les yeux de sa mère glissaient et impersonnels et lointains sur son visage anxieusement tendu vers elle ou à l’inverse le fixaient et longuement sans le voir, à peine troublés d’une vague et froide perplexité, jusqu’à ce que l’enfant se mît à crier et que, se rappelant mécaniquement que les sons en provenance de cet objet devant elle signifient qu’elle devait accomplir telle ou telle tâche... »

Dans cette « partition » à trois, Marie N’Diaye introduit un quatrième personnage, la fille du narrateur qui, bien qu’il ne l’ait quasiment jamais vue, vient lui rendre visite à Lloret de Mar où il coule une retraite paisible. Les cartes sont ainsi fortement brouillées, de fausses pistes posées. Tout comme il faudra attendre longtemps pour apprendre à quelle occasion la Cheffe est devenue mère, ce à quoi elle n’était nullement prédisposée.

Le texte, très répétitif au début, se fait de plus en plus tendu. Marie N’Diaye joue au chat et à la souris avec le lecteur. Ce qu’il croit deviner peut aussi bien être juste que totalement faux dix pages plus loin et redevenir plausible ou erroné peu après. Le roman qui faillit être mis de côté ne peut plus être lâché.

Le style de Marie N’Diaye peut paraître perturbant. Ses phrases longues, itératives, construites avec complexité, « à repousse poil », exigent un effort du lecteur. Comme celui-ci, elle me pardonnera d’avoir piètrement voulu l’imiter dans ce commentaire.

La Cheffe n’en est pas moins l’un des meilleurs romans sortis cette année.

olonnois85

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