Le Champ, Robert Seethaler

Le Champ, Robert Seethaler, Sabine Wespieser, 276 p.

Après Le tabac Treschnik et Une vie entière, Robert Seethaler décrit la vie des habitants de la petite ville de Paulstadt d’une perspective aussi originale qu’inattendue : le cimetière que les gens appellent le Champ. Ce sont les morts ou leurs proches encore vivants qui racontent leur vie. Les uns sont des personnalités de la communauté, tel le maire, le curé, le marchand de légumes, la fleuriste, etc., d’autres plus anonymes. Ils parlent de la vie, de la mort, de l’amour, de leurs regrets, de leurs souvenirs, de leurs joies et de leurs peines, de leurs enfants, de leurs parents, de tout ce qui fait la vie. Le Champ est un kaléidoscope où les personnages se mélangent, vivent et meurent, en harmonie, en disharmonie.

« Mes péchés étaient en réalité des joies. Dieu, ça lui était égal de toute manière, puisqu’il n’existe pas. S’il existait, il n’aurait pas besoin d’un représentant sur terre. Tout ce qui existe est humain. Dieu n’est pas humain, donc il n’existe pas. Depuis que je me répète cela, Dieu n’est plus un problème. Vivante, je n’avais pas peur de Dieu. Mes peurs étaient d’une autre nature.

C’est étrange : tous ceux que je connaissais, je leur ai survécu. Et ceux auxquels je n’ai pas survécu, je ne les connaissais pas. Maintenant je ne sais même plus si c’est triste. Je crois que mon humour est fichu.

Les choses disparaissent avec le temps. Ça s’appelle oublier. J’ai beaucoup oublié en cent cinq ans. » (Annelie Lorbeer, décédée à 105 ans)

Le Champ n’est pas plus un roman qu’un recueil de nouvelles. L’erreur serait de lire d’une seule traite ce texte subtil et déroutant, complexe ou simple selon le personnage dont il s’agit ou celui qui raconte. Les textes sont en apparence indépendants, des figures se retrouvent de bout en bout, persiste le Champ comme dénominateur commun où tous se retrouvent ou se retrouveront.

olonnois85