La Porte des Enfers, Laurent Gaudé

 La Porte des Enfers, Laurent Gaudé, Actes Sud, 267 pages

La vie de Matteo et de Giuliana va basculer un matin de juin 1980 à Naples, quand Pippo leur petit garçon de 6 ans est tué par une balle perdue, alors que son père l'emmenait à l'école. Dès lors Giuliana n'aura de cesse de laisser éclater sa colère, de crier vengeance. Inconsolable elle quitte son mari, Naples, et sombre dans la folie.

Desespéré lui aussi, Matteo devient une ombre, il sillonne les rues de Naples pendant des nuits entières au volant de son taxi. Lors d'une de ces nuits d'errance il rencontre quatre laissés pour compte : Grace le travesti, Don Mazerotti le prêtre contestataire, Garibaldo le cafetier et Provolone le professore aux théories hallucinantes. Ce dernier prétend qu'il existe une porte ouverte permettant d'accéder aux enfers et qu'elle se trouve à Naples justement ! 

Don Mazerotti décide de descendre parce qu'il faut bien que quelqu'un aille voir et Matteo, lui, réalise que c'est l'occasion unique de ramener Pippo à sa mère, ou du moins lui demander pardon et l'étreindre une dernière fois.

"Matteo et Don Mazerotti descendirent avec beaucoup de précaution l'escalier aux marches hautes et irrégulières... Après une heure de marche dans l'obscurité Matteo sentit enfin qu'il avait atteint le sol de ce qui devait être une grotte...la grotte immense s'étendait devant eux. Elle était recouverte d'une sorte de maquis épineux, dense et touffu... C'est alors que les premiers cris retentirent...des ombres fondaient sur eux, certaines leur bourdonnaient aux oreilles comme des mouches carnivores, à l'instant où elles les frôlaient elles prenaient l'apparence de goules horribles, de gargouilles asséchées par le temps, puis elles reprenaient leur forme vaporeuse...Le bruit, bientôt, fut assourdissant ils étaient parvenus à la rive d'un immense fleuve, le fleuve des larmes, c'est la torture des âmes, elles y sont ballotées en tout sens et gémissent...

Roman sombre, puissant, envoûtant, ténébreux, une tragédie moderne étroitement mêlée au mythe d'Orphée. Sommes nous plus morts que vivants ? Où sont partis les morts ? Les morts ont ils réellement besoin que les vivants pensent à eux, les chérissent ? Après Le soleil des Scorta , éblouissante saga du sud de l'Italie, Laurent Gaudé m'a de nouveau enthousiasmée. A savourer de toute urgence !

Martine R.